mardi 19 mai 2009

Mise en regards René Char

Henri Yéru réalise cette transmutation de la parole de Char en de multiples signes qui deviennent eux aussi une prise de parole. Par son geste, l’artiste crée une parole muette faite de signes et de teintes, elle est là pénétrante, ardente et provocante. Elle se dresse dans sa verticalité pour nous intriguer, nous apostropher. Elle est mouvement dans l’espace, elle abolit le temps et s’inscrit dans un « au-delà nuptial ».
Sur le chemin que nous empruntons, nos pas se glissent dans les traces du poète et de l’artiste.
Marie-Claude CHAR
Janvier 2009
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Gestécrit


L’exposition Gestécrit que je consacre à René CHAR à l’Hôtel Campredon de l’ISLE-SUR-LA-SORGUE se veut une correspondance, une transmission, hors temps, entre « alliés substantiels » qui se retrouvent sur des valeurs et des terrains communs à partager.
En premier lieu, accompagner cette « clarté qui ose », qui, de toile en toile sera le thème majeur de l’exposition. Entre clair et obscur, ouvrir les champs sensoriels en écho à sa phrase « nous ne pouvons vivre que dans l’entr’ouvert exactement sur la ligne hermétique de partage entre l’ombre et la lumière. Mais nous sommes irrésistiblement jetés en avant.

Toute notre personne aide et vertige à cette poussée ». Ce rapport double, écrit/trait, créé des liens, des passerelles utiles au sens, à l’ancrage et au maintien d’un regard mobile sur les deux créations. Le concept de l’exposition s’exprime ici, par la traversée de lieux-dits, de ces langages croisés, d’une mise en espace de la poésie de René CHAR, et de la mesure de nos champs de sens et de conscience réciproques.

L’essentiel sera de trouver des circulations entre les textes des poèmes et la peinture hors de l’intime du livre, pour entraîner la pensée à un plaisir inattendu, vers une troisième lecture qui n’appartient qu’au regardeur. De solidarités « blanches et noires » à la couleur Sud (travaux d’APT) et de TOULON. Les toiles noires et blanches, traits/extraits par leurs rythmes et contrastes condenseront par les formes, les événements de l’Histoire de l’Europe du 20ème siècle ressentis par le prisme de l’individu. « De l’énergie disloquante » au fragment, jusqu’à la recherche d’une nouvelle unité. Collages : positions (mots-matières).

Par son combat de résistant, contre la barbarie, le poète de l’agir et du dire, présent, debout dans l’Histoire, se trouve être en écho à l’enfant que j’étais, pris dans la tourmente de ma famille éclatée victime du régime nazi, si meurtrier. Le combat de René CHAR pour la Liberté aux prises avec l’intolérance totalitaire reste très contemporaine, du Cambodge au Rwanda, en ex-Yougoslavie, au Darfour, jusqu’aux extrémistes actuels. Un seuil d’inhumanité se franchit à nouveau devant nous.
Proposer l’échange en « traces éclairantes » qui de vécus, en sensations, évoquent, assument la gravité du créer. Les deux langages mis en relation devraient se compléter, s’ouvrir à de nouvelles lectures par des interactions de sensibilités. C’est le but de cette marche intérieure, élargir notre conscience entre mémoire et présent, où la création est signe de présence au monde. « Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir ». Cette phrase de René CHAR s’avère être en miroir aux sons, aux pulsions même de la peinture. Parallèlement, le désir de liberté « son souffle »s’impose toujours dans ces doubles paroles entre actes poétiques et actes plastiques.
L’exposition Gestécrit se veut une transmission d’élans libres, une vision de l’existence entrevue dans « l’éclair qui dure ». Elle est ouverte au champ de conscience et de passion d’Etre, où l’Homme se cherche encore, entre impératif sauvage et civilisation...


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Rien n'aura eu lieu que le signe (O. Renault)

La peinture de Henri Yéru relève du plexus : masse puissante et concentrée de pulsions, simultanément dure et hyper-sensible, réseau central nerveux irradiant l’ensemble, c'est-à-dire l’espace et le sujet devant les peintures.
Ces peintures, les voir, c’est les sentir : peu de toiles donnent comme celles-ci cet effet de choc, de direct au plexus, - le nôtre cette fois -. L’émotion, alors devient ce passage tracé d’un plexus à l’autre.
D’abord, la densité de ce noir frappe : cœur résolu de la nuit, noir sur noir, se redoublant en lui-même : comme Shakespeare et le Dead of Night, le plus mort de la nuit, qui atteint ici sa pulsation intense, vitale. Oui, l’espace peut se retourner sur lui-même pour faire advenir un hors-temps singulier : ce temps de l’émotion la plus claire au cœur de l’encre. Car le blanc naît du noir, de cette base compacte, comme des mots que l’on pèserait pour leur donner du ressort. « Connais le blanc/adhère au noir » enseigne Lao Tseu. Inversement, on peut soutenir que l’émergence du blanc, de la clarté, ne se peut que par la connaissance du noir.[...]

ACTEMPS

Parmi les jeux de mots, la série des ACTEMPS : il s’agit de prendre acte du Temps, et de faire de ce temps un Acte. Cela se jouant sur une autre référence, sonore, celle de l’actant (terme désignant un personnage ou un élément en tant qu’agent d’action). La peinture comme « personnage » ou « agent » actif de l’opération qui consiste à prendre acte du temps, ou de cet étrange hors-temps surgissant de l’acte de peindre. Ce qui s’y joue ne ressort certes pas d’un temps linéaire, chronologique, mais d’un temps d’exception, une trouée du temps. Hors-temps signé. Du coup, comme pour la série des LIBE, on voit donc surgir un autre rapport au temps, initié par un traitement particulier de l’espace et de ses signes. [...]

PENSEE DU LIEU

Abstraite, cette peinture ? C’est le concret même. Plus exactement : la Pensée dans ce qu’elle a de plus matériel, en ce qu’elle relève du corps, du choc physique.
Une forme de concrétion nerveuse de Pensée : « Et il y a un point phosphoreux où toute la réalité se retrouve, mais changée, métamorphosée, - et par quoi ? - un point de magique utilisation des choses. Et je crois aux aérolithes mentaux, à des cosmogonies individuelles » (Artaud). Une Pensée qui défie le Temps : « cette possibilité de penser en arrière et d’invectiver tout à coup sa Pensée » (Artaud).
L’enfance, le passé, ne reviennent jamais. Seule la mémoire est un passé actif, travaillé au présent. Le geste de Yéru ne vise pas à retrouver quelque paradis perdu, mais à prendre acte de ce temps, à en tracer l’archée, ce « feu central » qui nous fait signe afin qu’on le sente, qu’on le lise, ici et maintenant.


Olivier Renault

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lundi 18 mai 2009

"Argument"

L’homme fuit l’asphyxie.
L’homme dont l’appétit hors de l’imagination se calfeutre
sans finir de s’approvisionner, se délivrera par les mains,
rivières soudainement grossies.
L’homme qui s’épointe dans la prémonition, qui déboise son
silence intérieur et le répartit en théâtres, ce second c’est le fai-
seur de pain.
Aux uns la prison et la mort. Aux autres la transhumance
du Verbe.
Déborder l’économie de la création, agrandir le sang des
gestes, devoir de toute lumière.

Nous tenons l’anneau où sont enchaînés côte à côte, d’une
part le rossignol diabolique, d’autre part la clé angélique.
Sur les arêtes de notre amertume, l’aurore de la conscience
s’avance et dépose son limon.
Aoûtement. Une dimension franchit le fruit de l’autre.
Dimensions adversaires. Déporté de l’attelage et des noces,
je bats le fer des fermoirs invisibles.


René CHAR
in « Seuls demeurent » recueilli dans Fureur et Mystère
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"La Liberté"

Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout
aussi bien signifier l’issue de l’aube que le bougeoir du
crépuscule.

Elle passa les grèves machinales ; elle passa les cimes
éventrées.
Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la
sainteté du mensonge, l’alcool du bourreau.
Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile
où s’inscrivit mon souffle.
D’un pas à ne se mal guider que derrière l’absence,
elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne
blanche.

in « Seuls demeurent » recueilli dans Fureur et Mystère
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dimanche 17 mai 2009

"Feuillets d'Hypnos"















"Le poème est ascension furieuse ; la poésie, le jeu des
berges arides."

"La couleur noire renferme l’impossible vivant. Son
champ mental est le siège de tous les inattendus, de tous
les paroxysmes. Son prestige escorte les poètes et prépare
les hommes d’action."


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samedi 16 mai 2009

« Antonin Artaud »


Je n’ai pas la voix pour faire ton éloge, grand frère.
Si je me penchais sur ton corps que la lumière va éparpiller,
Ton rire me repousserait.

Le cœur entre nous, durant ce qu’on appelle impro-
prement un bel orage,
Tombe plusieurs fois,
Tue, creuse et brûle,
Puis renaît plus tard dans la douceur du champignon.
Tu n’as pas besoin d’un mur de mots pour exhausser
ta vérité,
Ni des volutes de la mer pour oindre ta profondeur,
Ni de cette main fiévreuse qui vous entoure le poignet,
Et légèrement vous mène abattre une forêt
Dont nos entrailles sont la hache.
Il suffit. Rentre au volcan.
Et nous,
Que nous pleurions, assumions ta relève ou deman-
dions : « Qui est Artaud ? » à cet épi de dynamite dont
aucun grain ne se détache,
Pour nous, rien n’est changé,
Rien, sinon cette chimère bien en vie de l’enfer qui prend
congé de notre angoisse.


in Recherche de la base et du sommet


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